La qualité des données : un enjeu stratégique pour les organisations

5 minutes
La qualité des données : un enjeu stratégique pour les organisations

Nicolas Gidas

Architecte

La qualité des données : un enjeu stratégique pour les organisations
Publié le : 3 juillet 2025
  • Gouvernance
  • Article
Partager

La donnée : un produit informationnel

Prenons un instant pour comparer la qualité des données à la qualité d’un produit manufacturé. Par exemple, lorsqu’on fabrique un téléphone mobile ou une voiture, on établit des standards de qualité en fonction des attentes des utilisateurs (autonomie, sécurité, durabilité, design) mais aussi en conformité avec des normes industrielles rigoureuses, des réglementations en vigueur et des bonnes pratiques du secteur. Ces normes permettent d’assurer que le produit est fiable, performant et sécuritaire. Des processus de contrôle qualité sont mis en place tout au long de la chaîne de production pour détecter et corriger les défauts avant que le produit n’atteigne le consommateur. Sans ces mesures, les risques de rappel, d’incidents, de plaintes ou de perte de réputation augmentent considérablement.

 

La même logique s’applique aux données : ce sont des produits informationnels qui doivent répondre à des exigences de qualité précises selon leur usage. Si une organisation n’instaure pas de normes claires et de contrôles adéquats, elle s’expose à des erreurs stratégiques, à des décisions biaisées et à une perte de confiance de ses parties prenantes.

La qualité des données fait référence à l’ensemble des caractéristiques qui déterminent dans quelle mesure les données sont aptes à être utilisées de manière fiable, efficace et conforme aux objectifs de l’organisation. Une donnée de qualité est une donnée exacte, complète, pertinente, cohérente, disponible en temps utile et facilement exploitable. À l’inverse, une mauvaise qualité peut compromettre la prise de décision, nuire aux opérations et exposer l’organisation à des risques financiers, réputationnels ou légaux.

 

Les données sont devenues un actif aussi précieux que stratégique. C’est un pilier de la transformation numérique, car des processus automatisés, algorithmes ou applications analytiques ne peuvent livrer des résultats pertinents qu’à partir de données fiables. À l’inverse, l’accumulation de données peu fiables ou mal structurées constitue une dette informationnelle difficile à résorber. Ainsi, renforcer la qualité des données constitue un levier stratégique pour améliorer à la fois la performance globale et la résilience opérationnelle de l’organisation.

 

Cette préoccupation est confirmée par des études récentes. Par exemple, le sondage annuel « BARC Data, BI and Analytics Trend Monitor » révèle que la gestion de la qualité des données figure au deuxième rang des priorités des organisations, juste après la sécurité et la confidentialité des données. Cela illustre à quel point les entreprises reconnaissent aujourd’hui la valeur stratégique de données fiables, et l’urgence de traiter les problèmes de qualité comme des enjeux organisationnels majeurs.

 

La qualité est aussi un gage de fiabilité pour les parties prenantes externes : partenaires, investisseurs, autorités de régulation, ou encore citoyens dans le cadre du secteur public. C’est un pilier de la transformation numérique, car des processus automatisés, algorithmes ou applications analytiques ne peuvent livrer des résultats pertinents qu’à partir de données fiables. À mesure que les systèmes deviennent interconnectés et les chaînes de valeur de plus en plus orientées données, le risque d’amplification des erreurs augmente en cas de données défaillantes.

 

Exemples d'impacts liés à une mauvaise qualité des données

Operations : Dans une administration publique, une mauvaise qualité des données peut avoir des impacts concrets sur les services aux citoyens. Par exemple, si les bases de données d’état civil contiennent des erreurs dans les adresses ou l’état matrimonial, cela peut engendrer l’envoi de documents officiels aux mauvaises personnes, des retards dans le traitement de dossiers de prestations sociales, ou encore des erreurs dans l’attribution de droits. Ces dysfonctionnements nuisent à la confiance des citoyens, augmentent les coûts administratifs et exposent les institutions à des critiques publiques et des obligations de correction coûteuses.

 

Intelligence d’affaires : Imaginez un tableau de bord stratégique affichant des indicateurs de performance basés sur des données de ventes incorrectes. Les décideurs pourraient croire que certains produits se vendent mieux qu’ils ne le font en réalité, menant à de mauvaises orientations commerciales, des investissements mal ciblés ou une rupture de stock injustifiée. De plus, les prévisions budgétaires, les analyses de rentabilité et les plans d’action perdent leur valeur et leur pertinence.

 

Intelligence artificielle : Un système de recommandation ou un modèle de décision automatisé alimenté par de données biaisées ou incomplètes risque de produire des résultats discriminatoires, inefficaces ou contraires aux objectifs de l’organisation. Par exemple, dans le domaine bancaire, un algorithme d’octroi de marge de crédit fondé sur des données historiques biaisées pourrait injustement défavoriser certains profils de clients. De même, dans le domaine médical, des modèles prédictifs formés à partir de données inexactes ou non pertinentes peuvent produire des diagnostics erronés.

Les principales dimensions de la qualité des données

La qualité des données se mesure à travers plusieurs dimensions, dont les principales sont :

  • Exactitude : Les données doivent refléter fidèlement la réalité. Exemple : Le code postal d’un client correspond bien à son adresse géographique réelle.
  • Complétude : Toutes les informations nécessaires doivent être présentes. Exemple : Chaque fiche client contient un numéro de téléphone, une adresse courriel et un identifiant unique.
  • Unicité : Chaque entité doit être représentée une seule fois dans les systèmes de données, sans doublons. Exemple : Un même client ne devrait pas apparaître deux fois dans la base de données avec des variantes de nom ou d’adresse. Cela évite les redondances dans les communications et les erreurs d’analyse.
  • Conformité : Les données doivent respecter les règles, formats et standards préétablis. Exemple : Les dates sont saisies au format AAAA-MM-JJ dans tous les systèmes.
  • Actualité : Les données doivent être disponibles au bon moment et refléter la situation actuelle. Exemple : Les stocks affichés dans le système sont mis à jour quotidiennement et reflètent les ventes récentes.
  • Pertinence : Les données doivent être utiles et appropriées au contexte dans lequel elles sont utilisées. Exemple : Un rapport commercial ciblant des jeunes adultes ne devrait inclure que des données pertinentes pour cette tranche d’âge, et non des informations démographiques générales.
  • Cohérence : Aucune contradiction ne doit exister entre les données issues de différentes sources. Exemple : Le chiffre d’affaires mensuel d’un même produit est identique dans les rapports du service financier et ceux du service commercial.
  • Fiabilité : La provenance et la méthodologie de collecte des données doivent être dignes de confiance. Exemple : Les données clients proviennent directement d’un formulaire officiel rempli par le client.
  • Accès aux données : Les utilisateurs autorisés doivent pouvoir accéder facilement aux données. Exemple : Les équipes marketing peuvent consulter en libre-service les données sociodémographiques segmentées, via une plateforme sécurisée.

 

Il est essentiel que ces dimensions soient évaluées à intervalles réguliers dans le cadre de processus de gouvernance, à l’aide d’indicateurs quantitatifs (ex. : taux de complétude, fréquence de mise à jour) et qualitatifs (retours d’expérience des utilisateurs, audits ponctuels).

La norme ISO 8000 sur la qualité des données

La norme ISO 8000 est une norme internationale spécifiquement consacrée à la qualité des données. Elle fournit des lignes directrices pour définir, gérer, évaluer et améliorer la qualité des données tout au long de leur cycle de vie. Elle s’articule autour de principes comme la portabilité, la compréhensibilité, la traçabilité et la vérifiabilité des données. ISO 8000 encourage aussi l’établissement d’un cadre de gouvernance pour assurer une responsabilité claire autour de la qualité des données.

 

ISO 8000 met aussi l’accent sur l’interopérabilité des systèmes d’information, la capacité à documenter l’origine des données (data lineage), et à assurer leur qualité indépendamment de leur environnement technique.

Démarche pour améliorer la qualité des données

Un élément fondamental de cette démarche est la mise en place d’un cadre de gouvernance des données. Celui-ci permet de structurer la gestion de la qualité en définissant clairement les rôles et responsabilités des différentes parties prenantes (détenteurs de données, intendants de données, gestionnaires, utilisateurs, équipes techniques, etc.). Il facilite la coordination, assure la responsabilité partagée et soutient la cohérence des pratiques à travers l’organisation.

 

La mise en place d’une démarche d’amélioration continue de la qualité des données repose sur plusieurs étapes clés :

  1. Définir les besoins : Identifier les usages principaux des données, les utilisateurs et leurs attentes. Il s’agit aussi d’aligner la qualité attendue sur les objectifs stratégiques de l’organisation.
  2. Évaluer la qualité : Mesurer la qualité actuelle des données à l’aide de KPIs (ex. : taux de complétude, taux d’erreur). Ces indicateurs peuvent être visualisés à travers des tableaux de bord automatisés pour faciliter leur suivi dans le temps.
  3. Évaluer les impacts de la non-qualité : Quantifier les coûts et les risques associés aux données de mauvaise qualité. Cela peut inclure des pertes financières, du temps gaspillé, des litiges contractuels ou des sanctions réglementaires.
  4. Déterminer les causes : Identifier les sources d’erreurs (ex. : systèmes obsolètes, processus non standardisés, formations insuffisantes). Une cartographie des processus d’affaires peut aider à localiser les sources potentielles d’erreurs.
  5. Développer un plan d’amélioration : Prioriser les actions correctives et définir des objectifs clairs. Il est recommandé d’adopter une approche par itérations selon l’approche Agile.
  6. Corriger les erreurs : Nettoyer les données existantes (suppression des doublons, normalisation des formats) et mettre en place des mécanismes de correction automatique ou semi-automatique.
  7. Mettre en place des mécanismes de contrôle : Créer des processus de contrôle continu et de gouvernance pour maintenir la qualité dans le temps. Cela peut inclure des règles de validation à la saisie, des audits réguliers, et des responsabilités attribuées à des Intendants de données.

 

Conclusion

Dans un contexte de transformation numérique accélérée, la qualité des données n’est plus une option, mais un prérequis incontournable à la performance, à l’innovation et à l’agilité organisationnelle. Adopter une approche réactive, consistant à corriger les erreurs uniquement lorsqu’elles sont signalées par les utilisateurs finaux, limite fortement la capacité d’innovation et freine le développement organisationnel.

 

Au-delà de l’efficacité opérationnelle, la qualité des données devient aussi un facteur de confiance. Dans un environnement numérique où la transparence, la responsabilité et l’éthique prennent de plus en plus d’importance, disposer de données fiables et bien gouvernées est un prérequis pour préserver la légitimité, la crédibilité et la confiance des clients et citoyens.

Avec ADNia, explorez d'autres perspectives pour aller plus loin avec vos données.

Poursuivez votre exploration avec des réflexions, analyses et bonnes pratiques sur le même sujet.

Flèche
Voir plus
Flèche